Voici ce que m’inspire une publication apparemment anodine d’un enseignant cherchant visiblement à venir en aide à des élèves en difficulté. Puisse-t-il ne pas s’y reconnaître !
Il est difficile de parler de l’orthographe sans rapidement virer à la foire d’empoigne.
Je peux comprendre toutes les critiques sur certaines aberrations linguistiques. Sur la construction d’un mot qui varie au fil du temps. Sur la nécessité de « dédramatiser » la faute d’orthographe. Personnellement, j’ai du mal encore aujourd’hui par exemple avec le participe passé des verbes pronominaux et quantité d’autres choses.
Pour autant, nous faire croire que quelqu’un serait jugé sur le confiture de groseille(s) est une escroquerie mentale. Personne ne s’inquiète de voir écrire un ornithorinque ou d’entendre parler d’un zygourat.
Est en jeu la totale déconfiture de toute expression possible de la pensée, pas un débat de grammairien ou de linguiste.
Ce qui me scandalise, c’est que l’école publique s’accommode finalement de produire des analphabètes : le propos n’est pas mal orthographié, il n’a tout simplement aucun sens.
« l’orthographe qu’on applique dans un climat de terreur absolu ». Révélateur. Arrive juste après la dictature. Rien de moins !
Vous me permettrez de trouver ce postulat exagéré. Je reste volontairement mesuré.
Vous connaissez sans doute un exercice académique de la DEPP sur le suivi des élèves de CM2 en orthographe, un même texte donné depuis trente ans. Remarquable étude où chaque mot, chaque type de faute, accord verbe sujet etc, est analysé au fil du temps.
Si trois idées permettent d’éviter cette dégringolade généralisée, c’est une bonne nouvelle. Mais je ne le pense pas.
La contrainte, parlons même de carcan linguistique, n’a jamais empêché le talent littéraire et la réalité de la francophonie ne me semble assez prise en compte, avec ses particularismes , ses usages, son vocabulaire qui fait que la langue française n’est pas la seule propriété des français de France. Je n’ai eu aucun manuel de primaire qui aborde même de très loin cette réalité.
Quand je rencontre encore cet amour du français à l’étranger, quand je sais les efforts immenses de ces amoureux de notre langue et de notre civilisation pour produire à l’oral et à l’écrit un discours que ne savent pas tenir des nationaux, quand on va me chercher dans une bibliothèque vieillotte d’un ancien pays communiste qui un Grevisse, qui un Bescherelle, qui un Robert dédicacé de la main de François Mitterrand en me rappelant que la langue française était alors le compagnon de la liberté face à la vraie dictature, pas celle de l’orthographe de la groseille hein!, celle qui vous emmenait dans des camps au petit matin au nom des camarades, je pense qu’un enseignant qui vient nous crier aujourd’hui au fascisme de l’orthographe et qui s’accommoderait de voir produire cinquante fautes en quarante mots n’est rien d’autre qu’un collaborateur de la médiocrité à qui je ne confierai pas une minute l’éducation de mon enfant.